Éloge de l’imprévisible

Éloge de l’imprévisible

Imprévisible : qui ne peut être prévu.

Il existe autant de façons de voyager que d’êtres humains sur Terre. 7 milliards de personnes qui possèdent chacune leur perception intime et personnelle du voyage. 7 milliards de personnes qui perçoivent les choses au travers du prisme de leur vie, de leurs moyens, de leurs possibilités. Chacune de ces conceptions est tout aussi valable, pertinente et digne d’intérêt que les 6 999 999 999 autres. Cependant, à titre personnel, JE ne suis heureux, lorsque je voyage, que dans UN seul cadre bien précis : l’imprévu et, pour être encore plus précis, dans le pas-prévu. En effet, pour moi, l’imprévu nait d’un événement fortuit là où le pas prévu est érigé en choix. L’un est subi, l’autre est décidé. L’un oblige à agir lorsque l’autre permet le passif consenti et l’adaptation légère.

La certitude est un chemin très confortable, bien balisé, qui amène d’un point A à un point B sans risques majeurs de se perdre pendant le déplacement. Or, se perdre, qu’est-ce donc ? C’est ne plus savoir où l’on se trouve, ignorer la direction à suivre, les routes à emprunter, les choix à faire. Cependant, comment se perdre si le point d’arrivée n’est pas connu ? Comment se perdre si la destination finale est inconnue ? Un trajet peut très bien ne comporter qu’un seul repère, qu’une seule indication. Un point défini d’où partent tous les envies, toutes les folies, tous les rêves et toutes les aventures. Puisque aucune loi n’oblige le voyageur à choisir. Puisque personne n’a décrétè qu’il fallait obligatoirement une fin à tout ce qui débute, pourquoi s’infliger la violence d’une tristesse programmée ? Pourquoi souffrir à l’avance d’une fin déjà envisagée ? Pourquoi savoir – ici et maintenant – que ce sera là-bas et comme ça que les choses toucheront à leur fin ?

Carte

En décidant à dessein de se laisser porter par les aléas d’un voyage, en décidant à dessein de ne pas penser à après-demain, le voyage se redécouvre. Il se vit. La surprise côtoie l’inattendu et des portes inconnues s’ouvrent sur des traces légères et imperceptibles. Le goût de l’inattendu revient en bouche, avec ses légères saveurs acidulées, piquantes, pétillantes, épicées, douce et amères à la fois. Dans la mesure du possible, je perçois le voyage comme une aventure à vivre au quotidien. Se préoccuper d’abord d’aujourd’hui, repenser après à hier et oublier demain. Lorsque nous sommes partis avec Georginou explorer l’Amérique du Nord en voiture, nous n’avions qu’une seule idée en tête : PROFITER. Nous avions noté des endroits, émis des souhaits, exprimé des envies. Cependant, jamais nous n’avons choisi à l’avance les routes à emprunter. C’est l’air du temps couplé à notre humeur qui faisait office de boussole. C’est un paysage aperçu au loin qui nous donnait envie de partir ici au lieu de la. C’est un panneau indicateur qui chamboulait un itinéraire déjà bien fragile, instable, aux pieds d’argile. Cette bulle voyageuse de deux mois reste un souvenir d’une intensité exceptionnelle, d’une puissance indicible, qu’aucun mot ne pourra jamais retranscrire. La LIBERTÉ touchée du doigt au cours de ce périple – nuancée bien sur par les moyens que nous nous sommes donnés (matériellement parlant : la voiture, le budget, les finances) – est une source d’inspiration quotidienne et un sujet de discussion(s) inépuisable.

Suivre la flêche

Aujourd’hui encore, je continue à ne pas prévoir, autant que faire se peut. J’aime à me balader sans idées préconçues. J’aime à aller à la rencontre de l’inconnu, du méconnu, du pas connu. J’aime à sortir à une station de métro oubliée et à rentrer à pieds en me laissant porter. Que ce je sois dans les rues de Dublin, sur les routes de l’Islande ou en train de faire du stop en Nouvelle-Zélande, je tente de ne profiter QUE de l’instant présent. Nous avons bien assez de temps pour penser aux lendemains qui ne chanteront pas et aux soucis du quotidien. L’imprévisible a ceci de merveilleux que nous ne savons pas ce qu’il nous réserve. Or, ne pas savoir, n’est-ce pas déjà vivre ? N’est-ce pas la plus formidable des motivations, le plus formidable des moteurs ? N’est-ce pas ce qui nous poussent à aller plus loin ?

Imprévisible : j’écris ton nom.